Toujours prêt à raviver les mauvais réflexes ethno-régionalistes, Alassane Ouattara a affirmé, à Ferké, que la rébellion de Soro avait permis aux Nordistes de « retrouver leur dignité par la nationalité ivoirienne ». Rien n’est plus faux, et l’observation des fichiers électoraux de 2000 et de 2010 permet de s’en rendre compte.
C’est une phrase qui entrera dans le riche florilège des déclarations d’Alassane Ouattara divisionnistes et attentatoires à l’unité nationale. En meeting à Ferkéssédougou, chef-lieu du département d’origine de Guillaume Soro, il a affirmé : « Guillaume Soro s’est battu pour que les populations du nord puissent retrouver leur dignité par la nationalité ivoirienne ». Au-delà de l’indécente apologie de la rébellion armée et du régionalisme à laquelle il s’est livré, au mépris de son rôle constitutionnel d’incarnation de l’unité nationale, les « faits » auxquels Alassane Ouattara se réfère correspondent-ils à une quelconque réalité ?
Très clairement, les « populations du Nord » avaient-elles été lésées, par le passé, de leur nationalité ivoirienne ? L’ont-elles récupérée grâce à la sanglante rébellion armée de Soro, décrit comme leur « sauveur » ? Le Nouveau Courrier a cherché la vérité des chiffres. Et elle démonte de manière rationnelle la propagande ethniciste du régime. En effet, pour savoir dans quelle mesure des populations du nord spoliées de leur nationalité par le passé l’ont récupérée, les listes électorales sont un outil pertinent. En effet, ne figurent sur ces listes que ceux que l’Etat considère comme des Ivoiriens en âge de voter. Y a-t-il des différences de volumes conséquentes entre les « populations du Nord » considérées comme Ivoiriennes par l’Etat central ivoirien d’avant l’insurrection armée et après le travail d’identification mené à grands frais par la firme française SAGEM, qui travaillait sous l’autorité de Guillaume Soro, alors Premier ministre de transition ?
La comparaison des chiffres de 2000 et de 2010 est édifiante. En 2000, la liste électorale considérait que dans le département de Bouaké, se trouvaient 265 491 Ivoiriens en âge de voter. En 2010, la liste « Sagem-Soro » en comptait 205 430, soit autour de 60 000… en moins. Le nombre d’électeurs dans le département de Korhogo était quant à lui en baisse de près de 8 000 personnes après « le combat » du MPCI-FN. A Mankono, Tanda, Madinani, Odienné, Katiola, le même phénomène de « diminution » du nombre d’électeurs (donc d’Ivoiriens) au sein des « populations du Nord » s’est observé en 2010. Pendant ce temps, le nombre d’électeurs augmentait (de très peu) parmi les « populations du Sud ». Ce qui est logique, puisque plus de 700 000 personnes ont « voté avec les pieds » dès le déclenchement de l’insurrection et quitté le Nord pour le Sud. Drôle de sauveurs que les « sauvés » fuient !
Plus globalement, en 2000, la liste électorale considérait qu’il y avait 5 475 143 Ivoiriens en âge de voter. En 2010, après le rétablissement de la « dignité » des Nordistes, elle en comptait 5 725 720. Une faible augmentation qui s’explique notamment par le « nettoyage » de la liste des nombreux morts qui l’ont longtemps alourdie. Où l’on voit qu’il est absolument faux de dire que la rébellion a permis aux ressortissants des régions septentrionales de recouvrer une nationalité ivoirienne qui leur avait été enlevée… En revanche, il est aisé de prouver, avec des arguments rationnels, que le « combat » de Soro et associés, a appauvri cette population ! Il est tout aussi évident que la transformation du Nord en zone d’exclusion politique a permis à Ouattara de réaliser, par des méthodes que ses ingénieurs en « technologie électorale » connaissent, des scores supérieurs à 100% dans plusieurs centaines de bureaux de vote, au premier comme au second tour de la présidentielle de 2010.
La troublante « stabilité » du RDR à Abidjan
Ville cosmopolite par excellence, où les fraudes électorales sont mieux surveillées qu’ailleurs (même si elles existent), Abidjan est un bon baromètre de la vie politique nationale. En 2002, alors que le scrutin pour l’élection des conseillers du District d’Abidjan devait se tenir, le RDR protestait bruyamment contre la « carte d’identité verte », réalisée sous le régime d’Henri Konan Bédié, et dont l’utilisation avait soi disant pour objectif « d’exclure » ses militants. Finalement, dans un contexte où le PDCI et le FPI faisaient liste commune, le RDR, dont la liste était portée par sa secrétaire générale Henriette Dagri Diabaté, avait obtenu 34,23%. Lors du premier tour de la présidentielle de 2010, après la confection de la liste électorale qui a redonné aux Nordistes leur « dignité », le RDR obtenait 33,15% des suffrages dans le district d’Abidjan. Rien n’avait donc changé, parce qu’il n’y avait jamais eu de volonté délibérée d’écarter une partie de la population du jeu politique.
Les incessantes manipulations du RDR au sujet de la nationalité
Les observateurs qui ont de la mémoire se souviennent que, depuis le début de la rébellion armée, le parti ouattariste n’a cessé de faire planer le spectre d’Ivoiriens sans papiers à qui l’on empêcherait d’exercer leur droit de vote. C’est dans ce contexte que ses « officines » ont affirmé, avant les audiences foraines de 2006-2007, qu’il y avait entre 3 millions et 3,5 millions d’Ivoiriens privés de leur droit de vote. Une opération onéreuse a été mise en place pour les retrouver et réparer « l’injustice » qui leur était faite. Au final, 373 000 personnes « sans papiers » ont été retrouvées. Parmi elles, des mineurs non concernés par le vote et des non-Ivoiriens. De plus, ces « sans-papiers » étaient des personnes de toutes origines dépourvues d’actes de naissance, et non des « Nordistes musulmans » que les pouvoirs successifs avaient voulu persécuter.
Alassane Ouattara amalgame les Nordistes ivoiriens et certains étrangers
Le « dolorisme nordique » patiemment instillé par le RDR tente de faire prévaloir la thèse selon laquelle les « ivoiritaires » assimilent les Nordistes ivoiriens à des étrangers. C’est pourtant bel et bien à cet exercice tendancieux que s’est livré Alassane Ouattara lors de son discours de Ferké. «Le combat que ces jeunes gens (les ex-rebelles) ont mené pour régler la question de la nationalité doit aller à son terme », a-t-il dit, missionnant Soro à propos de la loi à venir sur l’acquisition de la nationalité des étrangers présents dans le pays avant l’indépendance ou nés en Côte d’Ivoire entre 1961 et 1972. Soro doit « faire en sorte que le texte passe ». Quel est le rapport entre la cause de ces étrangers de longue durée et celle des Ivoiriens d’origine… originaires du Nord ? Ouattara crée implicitement une sorte de « communauté commune » entre les Ivoiriens du Nord et les étrangers « du Nord du Nord ». Ce faisant, il alimente les préjugés réels ou supposés dont son parti se plaint hypocritement. Surtout, il prouve qu’il est bel et bien le héraut d’une cause ethnique transnationale qui considère les limites de l’Etat de Côte d’Ivoire comme une sorte de « violence » qui lui est faite. Il lève le masque sans le vouloir et présente le vrai visage d’une « idéologie mandingue » profondément rétrograde.
Philippe Brou [LNC du 13 juillet 2013]
Cet article a été vu 1708 fois
Commentaires
comments
OUI !!! LNC on vous adore pour ça. ce qu’on voudrait simplement, c’est de traduire ces vérités, en questions précises; preuves en mains, à ouatra ou à ses sbires lors des conférences de presse ou d’interviews auxquelles vous pourrez participer!!!
Merci encore pour ce travail scientifique qui casse à chaque fois les déclarations hasardeuses et légères de cet apprenti sorcier en tout.